C'était un soir d'octobre, le 24 plus précisément. Un orage avait éclaté, on entendait le tonnerre se mélanger au cri d'une femme qui mettait au monde son premier enfant. Le médecin qui assistait à l'accouchement demanda à la femme un dernier effort. Il put enfin sortir l'enfant et dit avec un immense sourire.

- Félicitations ! C'est une fille ! Comment allez-vous l'appeler ?

La femme se laissa retomber dans le lit, épuisée ; elle réussit à répondre dans un murmure :

- Naïa.

C'est ainsi que se déroula la naissance de Naïa, la fille aînée d'Astrée et Hippolyte Delenikos, dans une famille tout sauf normale. Car oui, elle est née dans une Grande Famille de Magiciens, certains parlent aussi de la plus célèbre de Grèce. Cette famille a toujours eu un fonctionnement différent des autres :l'aîné, que ce soit une fille ou un garçon, sera l'héritier. Si il ou elle meurt, son enfant le plus vieux sera l'héritier. Si il ou elle meurt, on passera à son frère ou à sa sœur plus jeune s'il n'a pas d'enfants ou son enfant le plus vieux, et ainsi de suite. Bien qu'elle soit considérée comme une Grande Famille, la chef actuelle de la Famille, Antigone, reste très éloignée des Grandes Familles.

Naïa, étant la fille aînée du fils aîné, était donc promise à être un jour l'héritière de cette riche famille grecque. Elle a grandi comme étant la petite princesse, choyée par ses parents et surtout par sa grand-mère paternelle. Sa mère mit au monde, deux ans plus tard, sa petite sœur qu'ils appelèrent Artémis. Comme tout le monde le remarque, tous les membres de la famille porte un nom en rapport avec la mythologie grecque, leur profonde racine.

Très tôt, on l'emmena au théâtre et on lui apprit à lire et à jouer de la musique. Par contre, chanter, elle l'a appris seule. Sa voix enchantait tout le monde, calmait les pleurs de sa sœur quand elle était triste, sa grand-mère affirmait même qu'elle pouvait calmer les tempêtes. C'est de là qu'est venu ses surnoms : la "Sirène" ou la "Lorelei". De plus, elle adorait la mer. Dès qu'elle sut marcher, elle apprit à nager aussi. Elle passait une partie de son temps libre sur la plage, à chanter ou à jouer dans l'eau.

Les Arts ont toujours eu une grande valeur pour elle. Après tout, son oncle était pianiste, sa mère violoniste, sa tante savait jouer de la harpe et son père de la contre-basse ; elle baignait dans la musique sa naissance. Antigone, sa grand-mère, avait été comédienne : le théâtre était sa grande passion. Elle disait souvent :

Naïa est très proche de sa grand-mère, qui n'a pas eu une vie facile. Punie par ses parents pour avoir aimé un sorcier, elle fut contrainte à se marier à un Magicien d'une autre Grande Famille, qu'elle a réellement aimé. Ce Magicien est mort d'une maladie, quand son fils aîné avait à peine dix ans. Son troisième enfant est mort deux mois après, ses parents quelques semaines après son fils : un "accident" lui a-t-on dit. A la mort de son mari, sa belle-famille ne lui  a plus jamais adressé la parole.

Elle a donc repris son nom de jeune fille et l'a donné à ses fils : Delenikos. Depuis ces tragiques événements, la vieille Antigone voue une haine pour certaines Grandes Familles et ne leur adresse plus la parole. Beaucoup mettent ça sur le compte de sa "folie" causée par son passé tragique, et espère que Naïa retournera parmi eux. Antigone, elle, espère que sa fille fera régner la paix entre les Sorciers et les Magiciens. D'ailleurs, Antigone lui a offrit le sceptre de sa propre tante qui avait été reniée de la famille à cause de sa volonté à toujours soutenir les sorciers. Très jeune, Naïa avait déjà de grands espoirs sur ses frêles épaules.

A peine âgée de sept ans, elle mangeait déjà à la table des adultes lors des grands dîners, jugée suffisamment mûre par toute la famille. Elle participait aux débats avec conviction et écoutait tout ce qu'il se passait autour d'elle.



La nouvelle était tombée, directe et blessante. Ses parents étaient morts, noyés. Naïa avait huit ans, et elle n'avait presque pas pleuré. Elle avait gardé toute sa tristesse en elle pour s'occuper de sa sœur, inconsolable. Naïa aussi était inconsolable, mais elle prenait sur elle. C'était ce que tout le monde voulait, n'est-ce pas ?

Elles furent adoptées par leur oncle Midas et leur tante Thémis qui n'avaient pas d'enfants. Naïa continua de travailler dur pour combler sa famille et leur volonté. Elle apprit plusieurs langues, notamment l'anglais, l'italien et le français qu'elle parle couramment. Âgée de onze ans, elle prévoyait déjà son entrée à l'école de Magie Hortension. On l'y envoya, selon ses désirs, car cette école est très réputée. Elle devint une élève studieuse.

Quand elle reçut son Familier, elle fut très heureuse de découvrir que c'était un axolotl, une petite bête toute mignonne. Qui pourrait y résister ? Pas Naïa, elle l'a d'ailleurs baptisé Aphros, ce qui veut dire Amour en grec. Une petite boule d'amour selon Naïa qu'elle emmène partout.

Sa scolarité se passe très bien : elle a d'excellentes notes, mais peu d'amies. Elle a du mal à s'en faire, malgré sa gentillesse et sa bonté. Elle a peur d'être blessée, peur de les perdre.


Tout le monde s'était retourné vers la chef de famille. La jeune fille eut un immense sourire : elle n'avait jamais eu la chance de rencontrer de sorciers, et elle espérait en discuter avec un, un jour. L'oncle de Naïa demanda :

- Pardon ? Tu en es sûre ?

- Totalement, enfin ils commencent à avoir des droits ! Les élèves magiciens seront forcés à être avec des sorciers, certaines Grandes Familles doivent l'avoir dans le...

[- Mère ! Nous allons finir surveiller à cause de toi.

- Tu ne penses pas qu'on l'est déjà ? De toutes façons, tout le monde dit que je suis un peu folle. Alors, peu importe ce que je dis, c'est ma folie qui le pense !

Son oncle soupira, finit par se lever et dit :

- Ma chère famille, j'ai réfléchi toute la nuit, et j'ai pensé que nous devions trouver un fiancé pour Naïa. En effet, nous pourrions ainsi améliorer nos relations trop longtemps ignorées avec les autres Grandes Familles.

NaÏa ne réagit pas tout de suite, en tout cas elle n'eut pas le temps car sa grand-mère se leva et hurla :

- Moi vivante, il n'y aura jamais de mariages arrangés dans notre famille ! Ma petite Lorelei se trouvera le fiancé qu'elle aimera de tout son cœur et l'épousera, peu importe qui il est. Je ne t'ai pas forcé d'épouser Pandore, et je ne forcerais pas Naïa à épouser un homme d'une soit-disant Grande Famille pour améliorer les liens qu'on entretient avec eux. Naïa est en âge de choisir un homme de qualité, soigné et...

- Mais un mariage arrangé permettrait de nous enrichir, de redorer notre blason devenu terne.

- Vous n'êtes pas chef de famille, je choisis ce qui est bon pour vous. De toutes façons, c'est à Naïa qui reviendra de faire ce choix. C'est elle l'héritière.

On attendait une réponse et Naïa réfléchit ; elle n'avait aucune envie de se marier avec un inconnu qu'elle n'aimerait peut-être jamais. Et elle était assez mûre et intelligente pour se trouver quelqu'un de bien. Elle répondit donc :

- Je choisirais quelqu'un de bien, la personne que j'aimerais. Je redorerais moi-même le blason, ce n'est pas un autre, qui n'est pas de notre famille, qui redorera notre réputation à ma place.

Antigone était fière, Midas avait le bec cloué et Naïa avait échappé à la corvée de devoir épouser un homme choisi pour elle.