Une nouvelle journée de cours se terminait. Les élèves se pressaient déjà vers la sortie de la salle de cours. Je referme mon bouquin, soupirant. Enfin fini ! J'ai bien failli m'endormir, plus soporifique comme prof' tu meurs. De base, la matière enseignée ne m'intéressait franchement pas, là, ça n'aidait pas. Je rangeais tranquillement mes affaires et me dirigeai vers la sortie de la salle, me fondant dans la foule. Le prof avait demandé à me voir à la fin des cours pour une broutille, et je n'ai absolument pas envie de me faire remonter les bretelles.

J'ai ensuite joué à mon habituelle partie de cache-cache avec Strya. Par là, j'entends que madame est incapable de rester sagement dans la chambre lors des cours et trouve toujours le moyen de s'enfuir pour se balader en toute impunité dans toute l'école. En vérité, je l'ai découvert récemment, car lorsque je venais vérifier qu'elle était toujours dans la chambre le midi, elle était toujours sur le lit, sauf une fois -et, évidemment, le soir, quand je reviens des cours, elle est là. Pourquoi je ne la prends pas avec moi, me diras-tu ? Disons qu'elle ne semble pas apprécier les cours et qu'elle trouve toujours le moyen pour se barrer.

Et c'est depuis que je m'amuse à passer au peigne fin tous les bâtiments pour chercher ce fichu familier. Parce que j'ai beau l'appeler, elle ne réponds pas, me faisant passer pour une andouille aux yeux des autres. Et ce n'est pas comme si elle prenait des endroits simples à trouver, non, elle se planque toujours là où on ne s'y attends pas. Je doit déployer des efforts d'imagination et de créativité incroyables pour la retrouver. Parfois, elle m'oblige à m'improviser acrobate tellement ses cachettes sont perchées. Dans tous les sens que tu veux.

Et donc, après avoir bataillé pendant des lustres pour attraper ce fichu chat -sérieux, pourquoi j'ai eu un familier pareil ?-, me voilà dans les couloirs, prenant la direction de ma chambre. Strya bien évidemment dans mes bras pour éviter qu'elle ne prenne la fuite. J'étais en train de l'engueuler un peu quant à son comportement -et même, je suis persuadée qu'elle ne m'écoute absolument pas-, quand je rentrais dans une chose violemment, ce qui me fit tomber sur les fesses. Dans la chute, j'avais libéré Strya pour pouvoir amortir ma chute.

Énervée, il me suffit de relever la tête pour voir un albinos aux yeux verts me tendre la main et se permettre d'être particulièrement hautain. Je ne le connais même pas, et j'ai déjà envie de me le faire, lui. Vous croyez que c'est un magitok ? Non parce que pour être aussi condescendant, les chances que ça soit une de ces immondices sont hautes. Certes, je n'ai pas compris tout son discours, vu qu'il parlait français (en plus avec un accent, ça n'aide pas), mais le peu que j'ai compris et son ton ont largement suffit. Et puis, sérieux, regarde-moi cette attitude, c'est celle d'un bon élève...

Presque à contre-cœur, j'accepte la main tendue et me relève, sans le ménager. Tout en ce faisant, j'eus l'honneur de connaître son prénom et même son nom. Drake Melodias, donc. Je suppose que je devais faire de même ? J'avais du mal à comprendre ce qu'il racontait, il utilisait probablement du soutenu, ou quelque chose comme ça. Il m'avait fallu, comme sa phrase précédente d'ailleurs, un temps de réflexion pour comprendre grosso modo ce qu'il baragouinait -et que Strya s'était assise par terre et dévisageait mon interlocuteur en silence.

▬ « Kiarra O'Kelly » je réponds en m'époussetant les fesses. « Je suppose que ça t'arrive souvent, de bousculer les gens et de les prendre de haut, non ? »

J'avais par réflexe parlé en anglais. Tant pis s'il ne comprenait rien à ce que je racontais, moi je ne comprenais déjà pas grand-chose à ce qu'il disait.

Ce type m'énerve. Mais vraiment. Je lui aurait déjà mis une patate dans le pif si nous n'étions pas dans les couloirs de l'école. Quoique, je doute que je me retiendrais à la prochaine remarque désobligeante. Néanmoins, le bon point, c'est qu'il parlait anglais. Certes, avec un autre accent que le mien, mais il parlait anglais. Nous n'aurions donc pas à parler le langage des signes pour se faire comprendre. Le problème, c'est qu'il est toujours aussi hautain et agaçant.

▬ « Je te ferais remarquer, mon cher, que je n'ai pas lâché ma bestiole pour l'épargner, mais juste pour amortir le choc de ma chute. »
▬ « B... Bestiole ?! » s'offusqua Strya.

Je ne pris pas la peine de lui répondre, préférant affronter l'autre crétin du regard. Alors, tu vas répondre quoi à ça, monsieur le casse-pied ? De toute façon, je suis sûre qu'il ne comprendra pas le sens de mes paroles, à moins qu'il n'ai fait un sport de bourrin comme de la lutte ou du judo. Enfin, vu son physique et son attitude, j'en doute très fort. Et puis, même s'il en fait, ça ne sera pas mon copain pour autant, même s'il pourrait éventuellement remonter un petit peu dans mon estime.

Je clignes plusieurs fois des yeux, surprise. Attends... Mais comment il a fait pour savoir tout ça ?! J'avais pourtant bien fait attention à cacher ma marque ! Je me tourne vers Strya, cherchant une explication. Celle-ci était maintenant dos à nous et ne semblait pas vouloir nous daigner le moindre regard. Probablement en train de bouder, comme d'habitude. Tu m'étonnes qu'on n'arrête pas de se chamailler, avec un familier pareil. Enfin, bref, ce n'est pas le sujet. D'autant plus que ça ne me dit pas comment il a réussi à savoir ma race et mes petits soucis de cache-cache avec mon familier. Néanmoins, passé la surprise, je me reprends :

▬ « Que... Comment t'as fait pour savoir tout ça ?! »

Puis je me souviens de ce magnifique outil nommé télépathie. Sur le coup, je n'y avais même pas pensé. Il n'empêche qu'en plus d'être un gars méprisant, c'était devenu un voyeur. C'est quoi, le prochain défaut ? Pervers, peut-être, histoire que tout aille bien ensemble ? Ma bonne étoile me déteste définitivement, pour me faire tomber sur des énergumènes pareils.

▬ « Je n'ai pas besoin de l'aide de voyeurs hautains dans ton genre, merci. »

Je failli rajouter "sale magitok", mais je me retins, ne sachant absolument pas si c'en était un. J'entendis Strya se gratter puis se lécher je-ne-sais-où. Un coup d’œil me signifia qu'elle était en train de se nettoyer la tête avec sa patte avant. Un vrai chat, si l'on oublie les ailes. Je continuais à regarder l'autre droit dans les yeux, furieuse. J'ai noté, le coup de tout à l'heure, je me ferais une joie de le lui rendre à un moment ou à un autre, même si je ne suis pas forcément très douée en télépathie.

De simples observations, qu'il me réponds. Je n'en suis pas si sûre, il a forcément lu dans mes pensées. Sinon, comment aurait-il su que j'étais une sorcière, hein ? Enfin, il semble accorder une très grande importance à ses souvenirs et connaissances, et s'appuie même dessus. Mais qu'en sait-il, au final, que je sois une sorcière ? Je suis peut-être une magicienne, d'ailleurs ! Une magicienne extrêmement limitée dans sa magie qui risque de s'étouffer toute seule, certes, mais une magicienne quand même.

▬ « Tu te reposes beaucoup trop sur tes certitudes, jeunes homme. Je fais peut-être parti d'une famille peu connue de magiciens, tu ne penses pas ? »

Je faisais la maline, espérant qu'il se pose quelques questions. Au lieu de me regarder comme ça et de te moquer, je te signale que tu aurais fait exactement la même chose, si t'étais à ma place ! Mais quoiqu'il en soit, dommage pour lui, mais je me ferais un malin plaisir de rapporter à tout le monde sa tendance au voyeurisme mental, hahaha ~. Il ne faut jamais énerver un O'Kelly en lui tendant des perches pareilles. Jamais.

Et voilà, maintenant, il se met à m'appeler par mon nom de famille. Je crois qu'on a fait le tour du comportement hautain, tu ne crois pas ? Je parles trop vite si je veux, d'abord, non mais oh. Et aller, vas-y que je secoue ma main pour faire genre. Sérieux, il m'énerve ce gars, qu'est-ce que je fait encore à discuter avec lui ? Il s’enquit maintenant de mon familier, toujours dos à nous. D'ailleurs, entendant que l'on parlait d'elle, elle se retourna, ses yeux violets grand ouverts, ses oreilles pointées vers l'avant. Je hausse les épaules.

▬ « J'ai l'habitude, jeune Melodias voyeur. Je suppose que c'est un chat de gouttière. Je n'y connais rien, en race félines. »

Strya ne relevant pas, je supposai donc que c'était bien ça -auquel cas elle se serait empressée de le relever mon erreur. Ou alors, les chats ailés avaient des races qui leur étaient propres, mais là, je n'en étais pas au courant. Mais j'y pense... Est-ce qu'il est comme ça, tout le temps ? Oui, parce que lui semblait bien s'amuser, à me prendre de haut, donc chacun son petit jeu.

▬ « Dis, t'es toujours comme ça ou bien c'est qu'avec les filles ? »

Je me sentis un peu mal à l'idée de me catégoriser chez les filles alors que je n'en n'étais pas une, mais il me fallait faire des simplifications si je voulais me faire comprendre.