Dès sa naissance, le destin de Liselotte était déjà tout tracé. Fruit de l'union du couple Schneider, elle naquit en Allemagne, au sein d'une famille de sorciers. Si Nora Schneider était ravie d'accoucher d'une deuxième petite fille, Carl Schneider ne l'entendait pas de cette oreille. Profondément convaincu que seul un héritier mâle pourrait assurer la pérennité de la famille, il ne porta aucune affection à ses deux filles. En revanche, dès leur plus jeune âge, il avait naturellement imposé un esprit de compétition entre les deux sœurs. Une seule serait capable de lui faire honneur : la meilleure des deux serait celle sur qui il porterait tous ses espoirs pour l'avenir des Schneider.

La mère de Liselotte se voulait plus tendre et permettait aux deux filles d'obtenir un certain équilibre dans leur vie. Elle tâchait de leur apporter tout l'amour qu'il était possible d'obtenir d'une mère, souhaitant effacer l'indifférence de Carl à leur égard. D'ailleurs, elle ne parvenait pas à comprendre l'obsession de son mari concernant l'avenir de leur famille. Toutefois, cela n'empêcha pas Liselotte de ressentir un vide immense. Petite, elle se souvenait avoir tenté à maintes reprises d'attirer l'attention de son père, en vain. Elle se souvient encore avoir attrapé un jour le pan de sa veste pour le retenir. Celui-ci s'était contenté de lui jeter un regard froid avant de poursuivre sa route. La sœur ainée de Liselotte, Magdalena, eu droit au même traitement. Toutefois, celle-ci souffrait moins de l’absence d'un père que sa cadette. Du moins, elle ne le montra jamais.

Les années défilèrent et les deux sœurs grandirent. La compétition que le père instaura entre elle ne cessa jamais. L'une comme l'autre, elles se devaient d'être la meilleure à l'école, d'être celle qui travaillait le plus, qui en savait le plus. L'écart se creusa rapidement, si bien que Magdalena était celle qui mettait le plus d'aplomb à accomplir cette tâche. Liselotte faisait de son mieux mais ne pouvait s'empêcher de se sentir inférieure à sa sœur. Leur relation était extrêmement tendue, si bien qu'elles ne se parlaient guère l'une à l'autre, trop occupées à rivaliser. Liselotte finit par se résoudre à abandonner tout espoir de devenir "la favorite" de son père. Jamais elle n'atteindrait le magnétisme de sa sœur, son intelligence, sa beauté. Elle ne serait que la deuxième, celle qui avait échoué.

Magdalena intégra la plus prestigieuse école qui lui fut autorisée de rejoindre. Liselotte fut envoyée dans une petite école sans véritable réputation. Son père avait choisi de l'éloigner, comme si la jeune fille était une malédiction qu'il se devait de repousser au plus vite. Cette année où Liselotte fut éloignée de sa famille, sa malédiction fit son apparition. Elle devait avoir treize ans lorsque ses nuits commencèrent à être peuplées de cauchemars qui lui donnèrent des sueurs froides.

" Liselotte était perdue dans une forêt où les arbres étaient tellement immenses qu'ils en dissimulaient presque la clarté du ciel. Paniquée à l'idée de se retrouver seule à la tombée de la nuit, elle se mettait à courir comme une aliénée à travers les bois. Une sensation étrangère la poussait à croire qu'une menace planait au-dessus d'elle lorsque la nuit tombait. Elle courait, courait et ne trouvait personne. Elle criait pour appeler de l'aide sans que personne ne lui réponde. Alors qu'elle atteignait enfin un village, son soulagement était de courte durée. Les maisons tout comme les rues étaient désertes. Il n'y avait personne. Pas une once de vie. Liselotte toquait à toutes les portes mais se retrouvait irrémédiablement face à la solitude. La nuit finissait alors par tomber et des ombres noires l'engloutissaient dans leur sillage. Aucun cri ne sortait de la gorge de Liselotte, si bien que personne ne pouvait plus jamais l'entendre. "

La solitude. Sa plus grande peur était de se retrouver seule, ignorée. Sur la clavicule droite de Liselotte était apparue une ancolie blanche. La fleur symbolisait cette solitude que craignait tant la jeune fille. Depuis cette évènement, Liselotte ressentait ce besoin irrépressible d'aller aux devants des gens. Attachante, elle suscitait rapidement la sympathie de tous. Toutefois, elle ne pouvait s'empêcher d'être trop collante, trop inquisitrice. Malgré elle, elle poussait les personnes qu'elle appréciait à s'éloigner. Elle avait beau faire preuve d'incalculables attentions rien n'y faisait. Elle ne parvenait pas à se faire de réels amis. Cela ne l'empêcha pas de poursuivre sur cette voie, convaincue qu'elle finirait par trouver une personne qui l'apprécierait à sa juste valeur. D'ailleurs, elle fut d'autant plus encouragée à persévérer depuis le jour où elle s'était retrouvée seule dans cette pièce. Alors que l'angoisse ne cessait d'augmenter, une crise de panique terrible la tétanisa sur place et la poussa à hurler à la mort. Quelqu'un avait accouru auprès d'elle et avait fait de son mieux pour la calmer. Liselotte était recroquevillée sur elle-même, incapable de se ressaisir et persuadée que quelqu'un en avait après elle, tapis dans l'ombre. Depuis, elle se débrouille toujours pour ne pas être seule, où qu'elle soit.

Quelques années plus tard, tout le monde sans exception entendit parler de l'école Sainte Catherine et de son ouverture aux sorciers et sorcières. Le père de Liselotte avait prévu d'envoyer Magdalena dans cet institut. Toutefois, celle-ci mourut quelques mois avant la rentrée. Personne n'expliqua clairement les raisons de son décès à Liselotte. Sa mère lui avait expliqué qu'il s'agissait d'un tragique accident. Des rumeurs disaient qu'il s'agissait d'un assassinat. Elle ne sut jamais ce qu'il s'était passé. Bien que les années et la distance les avaient éloigné, Liselotte pleura sa défunte sœur comme si cela n'avait jamais été le cas. Cependant, elle était dorénavant l'unique héritière et seul cela semblait avoir de l'importance aux yeux de Carl Schneider. Désormais, Liselotte devait porter le lourd fardeau d'être celle qui devait lui faire honneur à chaque instant. C'est en sachant cela qu'elle avait compris la pression que sa sœur avait subi durant ces dernières années. Au fond d'elle-même, elle ne regrettait pas d'avoir été celle que son père avait préféré rejeter.

Armée de sa détermination, la jeune fille avait plusieurs buts en entrant à l'école Sainte Catherine. Elle souhaitait faire de son mieux pour être l'une des meilleures élèves et susciter la fierté de son père. Enfin, son vœu le plus cher fut de trouver la personne qui la comprendrait le mieux au monde. Une personne qui lui permettrait de prendre confiance en elle. Un ami ou une amie. Peu lui importait tant qu'elle avait une personne auprès de qui trouver de l'affection et de la tendresse.

Sa rentrée se déroula sans encombre. Elle accéda à la deuxième année, reprenant ainsi son cursus là où elle l'avait laissé dans son école précédente. Cette année la marqua à jamais. Notamment le jour où elle reçu son familier. Au creux de ses mains, une petite masse ronde semblait n'attendre qu'elle pour prendre sa forme originelle. Sous ses yeux se redressait un loup arctique aussi blanc que la neige. Animal sociable qui a besoin d'une meute pour révéler tout son potentiel, Liselotte aurait pu être ce loup de par son tempérament. Dans un murmure, elle lui révéla son nom comme si elle prononçait un mot magique qui la libèrerait : "Lena".

Aujourd'hui, malgré le regard réprobateur de certains, Liselotte parvient à s'intégrer petit à petit. Elle ne perd pas de vue ses objectifs même si l'un d'entre eux a été partiellement réalisé puisque Lena est désormais à ses côtés, quoi qu'il arrive.