Je suis née le 07 Janvier, dans le centre de la ville de Lyon. A ma naissance, la famille Lecomte avait déjà perdu de sa superbe depuis bien longtemps. A l’époque très importante, son image a commencé à se détériorer peu après la guerre avec les Magiciens et l’apparition de la Malédiction, lorsqu’elle a décidé de se soumettre à eux. Après tout, les Magiciens avaient gagné cette guerre, que pouvait-elle faire de plus ? Elle est ainsi devenue de moins en moins importante au fil des siècles, jusqu’à devenir une famille française des plus mineures. Seuls perdurent mon côté de la famille, et quelques cousins éloignés que je ne connais pas. Je suis donc née à Lyon, et j’ai vécu dans un appartement bourgeois du centre, près de la vieille ville. Ma famille n’était peut-être plus si importante qu’auparavant, mais il nous restait tout de même quelques possessions et quelques richesses, comme cet appartement, justement.
J’ai été le premier et seul enfant de ma mère. Je l’ai bien peu connue, au final. Elle est décédée d’un cancer lorsque j’avais deux ans, je n’ai par conséquent aucun souvenir d’elle. Comme quoi, même les êtres magiques ne sont pas invincibles face à la maladie. Parfois, je me dis que j’aurais bien aimé la connaitre, ne serait-ce qu’un petit peu. Père parle souvent d’elle comme d’une femme adorable, gentille et aimante. Je crois que lui aussi aurait aimé que je la connaisse plus. Je pense qu’il ne s’est jamais totalement remis de son décès, d’ailleurs. Il gardait constamment auprès de lui une ancienne photographie d’elle, prise le jour de leur mariage. Parfois, je le surprenais à l’observer d’un air mélancolique, avant qu’il ne m’offre son plus chaleureux sourire, comme si tout ce que j’avais vu n’était qu’illusion.
Mais il a tout de même fini par se remarier, trois ans plus tard, à mes cinq ans. Il avait, entre temps, pris mon éducation en main. J’étais une parfaite petite enfant, studieuse et sérieuse. J’ai rapidement appris à lire, et Père m’a enseigné très tôt le violon et l’escrime. Selon lui, l’apprentissage passait par trois facteurs essentiels : les lettres, la musique et le sport. J’ai beaucoup aimé étudié les deux premiers, mais je n’ai jamais été une grande sportive. Lorsqu’il l’a compris, il ne s’est plus échiné à m’enseigner un quelconque sport, et il s’est mis à m’apprendre les échecs. Beaucoup plus sympathique à mon goût. Même si Père souhaitait me voir devenir une fille de bonne famille, il n’a jamais négligé son rôle de père, et est toujours resté très protecteur et compréhensif envers moi. Je me souviens qu’il me lisait tous les soir une histoire, jusqu’à mes six ans, et ce malgré la fatigue due à son travail.
Il s’est donc remarié lorsque j’ai eu cinq ans, à une femme que je n’ai jamais vraiment réussi à supporter. Elle n’avait rien de méchant pourtant, elle était même très gentille avec le recul. Peut-être était-ce pour la simple raison qu’elle m’a volé mon père ? Je pense. Mais le fait est que Père ne l’a jamais vraiment aimé non plus. Il l’appréciait, tout au plus. Elle lui a donné trois autres enfants. Toutes des filles. Mon père en a souvent rit, disant de lui-même qu’il était incapable d’enfanter un seul garçon. Elles sont nées lorsque j’ai eu six, huit et dix ans. Mes petites sœurs. J’en étais, et j’en suis encore aujourd’hui, très fière. J’ai toujours adoré être une grande sœur, protectrice et modèle de ces petites. Mais comme tous les enfants, elles ont eu leur lot de comportement agaçant. Dans ces moments, je n’étais plus la grande sœur gentille et aimable. Je devenais une véritable boule de nerf. Parfois, je haïssais mes sœurs. La plupart du temps, je les adorais quand même.
Père s’est décidé à m’envoyer dans une école de Sorcellerie à mes dix ans. C’est également à cette période qu’il m’a offert la bague de fiançailles de ma mère, en guise d’héritage. Au début, je la portais en pendentif autour du cou, mes doigts étant bien trop fins pour que je puisse la passer. Désormais, je la porte à mon majeur droit. Je me refuse de la porter comme une bague de fiançailles, bien qu’elle en soit une à la base. C’est grâce à elle que j’ai appris à manipuler la Magie. Ma mère s’en servait également, lorsqu’elle était encore en vie. Je suis heureuse de la porter, car à chaque fois que Père me voit avec, je peux lire sur son visage de la fierté. Mais également parce que j’ai l’impression de ressembler à cette femme que je n’ai pas connue mais qui paraît tellement parfaite à mes yeux.
Ma Malédiction a fini par se déclencher à mes quatorze ans. Avant qu’elle ne fasse son apparition, je n’étais pas au courant de son existence. Père et sa nouvelle femme me l’avaient caché, de peur de ma réaction. J’ignore s’ils ont eu raison ou non. Le fait est qu’elle est là, désormais, et que personne ne peut rien y changer. Pendant une semaine entière, je faisais des cauchemars étrangement lucides. Toujours le même. Je me voyais mourir, au milieu d’une foule. Personne ne pouvait m’aider, personne ne pouvait rien y faire. Et j’avais beau appeler à l’aide, je me réveillais sans cesse une fois que j’avais succombé dans mon songe. De crainte de refaire encore le même, j’ai décidé de ne plus dormir. J’en ai parlé à Père, au bout de ma troisième nuit d’insomnie. Mais il savait. Il l’avait vu sur mon visage cerné que la Malédiction apparaissait. Il m’a juste répondu que c’était normal, et qu’il m’en parlerait plus tard.
Ce fut une semaine horrible, entrecoupée de moments de terreur à l’idée de dormir, et de songes affreux lorsque je ne pouvais pas plus refouler le sommeil. A la suite de sept jours d’angoisse, j’ai fini par me réveiller, un matin, en sueur et en pleurs. Un chrysanthème noir était apparu son mon omoplate. C’est à ce moment que Père m’expliqua. Qu’il m’expliqua pourquoi je devais baisser les yeux face aux Magiciens si jamais j’en croisais. Pourquoi je me devais de les vouvoyer. C’était eux qui nous avaient fait subir cette Malédiction après la guerre. Que pouvaient-ils nous faire de plus si jamais nous ne les respections pas ? Il m’a également dit qu’à partir d’aujourd’hui, je ne devrais plus autant jouer avec la Magie qu’auparavant. Qui sait ce qui pourrait m’arriver ?
Et bien, j’ai eu ma réponse rapidement. C’était un jour où je révisais. Je n’ai jamais aimé laissé un exercice non-terminé, ainsi, j’ai forcé jusqu’à ce je sois capable de maîtriser le sortilège demandé. Mais j’ai commencé à voir flou, j’avais de plus en plus de mal à me concentrer, à respirer. J’ai rapidement eu des vertiges, des nausées. Mes poumons ont fini par siffler, et par manque d’air, j’ai fini par m’évanouir. Heureusement que Père m’a vue ce jour-là. Je me suis réveillée sur le canapé, dans le salon de l’appartement, toute la famille présente autour de moi. Ma belle-mère prenait mon pouls, et a fini par annoncer à mon père qu’il était redevenu normal. Ainsi, voilà ce qu’était ma Malédiction. Mon cœur s’arrêtait lentement de battre, avec toutes les conséquences qui vont avec.
J’ai continué ma vie, mais plus rien n’était réellement comme avant. J’étais soudainement devenue plus prudente, plus protectrice envers mes sœurs. Je ne voulais pas qu’elles soient affectées plus tard par une telle tare, mais je savais pertinemment qu’elles n’auraient pas le choix. J’en ai été désolée.
En Août, mon père a appris qu’une école de Magie mixte venait pour la première fois d’ouvrir ses portes. Il m’y a immédiatement inscrite, songeant que si tel était le souhait d’un Magicien, alors il se devait de l’exaucer. C’est ainsi que je suis rentrée à l’école Sainte-Catherine. J’ai tout d’abord été désorientée, bien évidemment. J’étais pour la première entourée de personnes dont j’ignorais presque tout. Les Magiciens. Ces gens que je me devais de respecter en toute circonstance. J’ai fini par développer une certaine curiosité envers eux. Etaient-ils tellement chanceux de ne pas subir la Malédiction ? J’ai eu la chance de ne redoubler aucune classe, mon niveau étant largement suffisant pour la classe des Phénix.
La cérémonie d’accueil fut pour moi une chose bien trouble. J’ai dû apprendre à porter un uniforme, ce que je n’avais fait avant. Et surtout, on m’a remis une petite boule grise aux grands yeux globuleux qui, une fois arrivée entre mes mains, s’est transformée en un daim magnifique. Enfin, un daim. C’est un femelle. Mais je ne m’y attendais pas vraiment. « C’est quoi déjà ? Un familier ? Et il va me suivre toute ma vie ? Pourquoi pas. Mais c’est tout de même encombrant un daim, non ? ». Je l’ai appelée Ambre, à cause de son pelage. Au début, je ne savais pas vraiment quoi en penser. Puis j’ai appris à la connaitre, elle qui ne me parlait que dans mon esprit. J’ai appris qu’elle était douce et chaleureuse, compréhensive et rassurante. Elle était tout ce qui pouvait me manquer dans cette école.